22 mars 2020

Conseils de Dame Psy-Psy

C’est à présent enfoncer des portes ouvertes que de dire que nous traversons une épreuve sans précédent et de ce fait anxiogène. Le confinement que nous subissons aura des conséquences psychiques, qu’il convient de prévenir en aménageant notre manière de traverser ce temps suspendu.

Tout d’abord quelques brèves explications concernant notre cerveau et notre psychisme :

Le cerveau, c’est l’organe.

Il est bâti chez chacun de nous globalement de la même manière (voir les notes en fin de document1,) sauf malformation fortuite à la fabrication.

Le psychisme, c’est la manière ou le style avec lequel nous le faisons fonctionner.

Ce psychisme nous est personnel, il n’y en a pas deux pareils, même chez les vrais jumeaux. Pourquoi ? Parce qu’il se met en place et se modifie tout au long de notre vie en fonction de l’interaction de trois catégories de facteurs :

  • La distribution génétique (les gènes transmis par nos parents, inscrits dans notre ADN)

  • Notre hygiène de vie (alimentation, sommeil, sport) / les perturbations de l’hygiène de vie (toxiques en tous genres, sédentarité, malbouffe, manque de sommeil…)

  • Toutes nos expériences de vie : ce que nous faisons / ne faisons pas, ce que nous subissons, ce dont nous sommes témoins passifs dans notre vie personnelle, sociale, scolaire, professionnelle, devant nos écrans favoris… 

Ce dernier groupe est sans doute celui qui influence le plus la combinaison de ces catégories de facteurs. Tout ce que nous faisons, vivons ou voyons2 modifie nos réseaux de neurones et donc influence les variations de notre psychisme.

Je pourrai vous raconter le psychisme pendant des heures, j’adore çà ! Mais restons brefs3 et concentrés !

Notre corps est protégé des agressions extérieures par la peau qui l’enveloppe : lorsque l’on nous touche alors que notre peau est intacte, nous sentons l’intensité de la pression, la température de ce qui s’y pose, mais pas de douleur4 : la peau isole nos capteurs sensoriels qui ne sont donc pas agressés par un contact direct, comme ils peuvent l’être quand on nettoie une plaie par exemple.

Notre psychisme a également besoin de se protéger des agressions extérieures, d’atténuer ses perceptions afin qu’elles ne lui soient pas douloureuses. Il crée donc une « peau psychique »5 qui pourrait se nommer « mécanismes de protection et de défense ».

Le psychisme est souffrant lorsque l’équilibre ne se fait pas entre ses mécanismes de protection et l’intensité des sollicitations extérieures.

Il fonctionne également comme un moteur : il dispose d’une quantité limitée d’énergie, que l’on pourrait imaginer comme contenue dans un réservoir.

Lorsque nous consommons cette énergie psychique plus vite qu’il ne nous est possible de la reconstituer, nous souffrons psychiquement.

Notre confort psychique est donc largement dépendant de ce que nous faisons entrer dans notre psychisme via nos sensations, plus ou moins bien filtrées par nos mécanismes de protection.

  • Ce qui nous est agréable et respecte notre hygiène de vie reconstitue et enrichit notre énergie psychique.

  • Ce qui nous est pénible nécessite l’activation de nos mécanismes de protection, coûteux en énergie, et donc nous appauvrit, nous vulnérabilise.

Vous comprenez donc que le caractère objectivement anxiogène de la pandémie, cumulé avec les contraintes du confinement qui ne permettent pas de renouveler autant que d’ordinaire notre énergie psychique6, mais au contraire nous en coûtent davantage, provoquent une épreuve psychique d’ampleur exceptionnelle et inédite…

La combinaison de l’inconnu, du danger et de l’incertitude est très mal supportée par nos psychismes qui ont besoin de stabilité et d’un minimum de sentiment de contrôle de notre propre vie, selon nos habitudes culturelles. (C’est sans doute moins le cas dans la culture chinoise par exemple).

Il s’agit également d’une épreuve dans la durée, comparable à un marathon pour un sportif.

Jamais un marathonien n’envisage sa course globalement, ça le découragerait. Il la vit psychiquement étape par étape et s’encourage intérieurement pour franchir ces étapes l’une après l’autre. C’est également la bonne attitude pour nous les confinés !

Quelques conseils donc pour caresser votre psychisme dans le sens du poil !

  1. Prenons les choses au jour le jour, c'est-à-dire fractionnons notre réponse à l’épreuve.

  2. Cultivons la pensée positive :

Nous « devenons ce que nous pensons / voyons » de manière répétitive : il est donc protecteur pour nos réserves d’énergie psychique de ne pas nous soumettre à une hémorragie psychique indolore en apparence en nous confrontant en continu aux mêmes nouvelles anxiogènes :

- Evitons donc les chaines d’info en continu, les débats stériles sur la situation qui font mousser notre anxiété et alimentent les troubles des tempéraments angoissés.

- Informons-nous une ou deux fois par jour avec le média de notre choix, en privilégiant la qualité et la sobriété de l’analyse plutôt que le sensationnalisme et l’agitation de la frustration.

Les plus sensibles éviteront les images délétères des reportages télévisuels qui vont affaiblir leurs défenses psychiques sans aucune utilité. Ils préfèreront s’informer grâce aux médias radiophoniques ou aux journaux version papier afin de ne pas être happés dans une errance numérique les soumettant au bouillon de l’inculture et de l’inquiétude de certains meneurs irresponsables des réseaux sociaux avec leur cortège de fausses nouvelles.

- Evitons également de pester en permanence, ainsi que les longues ruminations contre les responsables de tous les obstacles rencontrés en ce moment : les chinois, les voyageurs, les parisiens, les responsables politiques de la pénurie des masques, les incivilités des voisins, j’en passe et des meilleures7

Tout cela ne fera que nous confire dans le vinaigre et donc altérer nos mécanismes de protection psychique. Quelqu’un aurait-il envie de finir cette aventure de confinement comme Tatie Danièle ??? 8

Pour mieux vivre confinés,

  1. Vivons cette épreuve de manière ACTIVE psychiquement. Soyons donc acteurs de la manière dont nous traversons ce temps de confinement. La position active est très protectrice de notre psychisme. Cela signifie accompagner par nos initiatives personnelles ce temps imposé, ne pas le subir passivement, mais en tirer des bénéfices psychiques personnels : nous cultiver, faire preuve de courage, de persévérance, de créativité, de solidarité…

  2. Obligeons-nous d’abord à poursuivre nos habitudes corporelles d’avant : nous laver et nous habiller pour la journée comme d’habitude, pour notre bon moral comme pour celui de nos proches : pas de journée complète affalé(e) sur le canapé en pyjama, même (et surtout) si vous vivez seul(e).

  3. Structurons notre temporalité :

Identifions le jour de la semaine, ne restons pas dans un flou qui rend les choses sans contours

Etablissons un emploi du temps alternant des activités différentes sur la journée.

Modifions notre emploi du temps les fins de semaine pour les rendre plus festifs :

 sortons la jolie vaisselle que nous réservions à nos invités

 et pourquoi pas nous faire plaisir en sortant les jolies tenues portées pour un mariage ou autre cérémonie, conservées dans nos armoires, et pourquoi pas en faire un défi avec vos amis et vos proches, à partager lors de confin’apéros ou autres coronapéros 9 ?

  1. Cultivons l’humour : c’est un excellent booster pour vos mécanismes de protection et de défense10 : c’est le bon côté des réseaux sociaux permet partage et challenge

  2. Accompagnons notre quotidien de musique, sans modération : « La musique nettoie l'âme de la poussière du quotidien. » nous dit Berthold Auerbach (1812 – 1882), écrivain allemand.

  3. La pratique des Sudoku apporte du mieux être en activant des zones du cerveau non liées aux émotions puisque cette activité n’active pas le langage, et donne pour un moment le sentiment de maitriser une réalité tangible puisqu’une seule solution est possible. A consommer sans modération pour ceux qui aiment !

  4. La préservation de notre psychisme est aussi assurée lorsque nous donnons du sens à ce que nous traversons : nous pourrions profiter de ce moment pour prendre du recul et faire le point sur nos valeurs personnelles et collectives, et imaginer comment nous pourrions envisager la reprise post confinement : qu’est ce qui est important ? comment intégrer davantage cette importance dans nos vies ? Là encore c’est se positionner de manière active.

  5. Désamorçons autant que possible les conflits du quotidien en nous excusant de nos mouvements d’humeur, en expliquant nos ressentis sans accuser nos partenaires de confinement.

Expliquer la contamination aux enfants :

  • Faites leur mettre les mains dans une assiette contenant des paillettes ou de la farine, puis se mettre les mains sur le visage, et serrer votre main : cela permet de visualiser comment les particules se transmettent par les contacts manuels.

  • Pour les gouttelettes projetées en parlant, on peut projeter le produit ménager pour nettoyer les carreaux sur une vitre, les plus téméraires oseront la projection d’eau colorée sur un vieux teeshirt tendu (bonjour le ménage éventuel après !). Les plus raisonnables disposant d’un brumisateur peuvent le faire comprendre aisément en vaporisant directement sur le visage de l’enfant.

Attention aux accidents domestiques dont le risque est multiplié par le confinement, surtout pour les enfants :

  • Examinez votre logement avec un regard neuf, comme si vous le découvriez, en vérifiant tout ce qui pourrait être dangereux : ce qui coupe, brûle, tombe, les médicaments, les produits d’entretien…

  • Pour prévenir l’écrasement des doigts dans les feuillures de portes, risque accru lors d’excitation des petits reclus, montrez leur cette expérience choc : coincez une carotte de la taille d’un doigt du côté des gonds, et claquez la porte d’un coup sec ! (bon nettoyage après, mais le résultat est bien mémorisé par les enfants !)

Allez, prenez bien soin de vous et des vôtres, de près ou de loin !

Tentez de ne pas tomber dans la consolation / automédication par les excès alimentaires, d’alcool ou de médicaments : cela ne ferait à terme qu’ajouter de nouveaux problèmes à ceux que nous traversons et aurons encore à vivre dans la période post confinement. Donc faisons nous plaisir mais sans excès dommageable par la suite11.

Et prévenez vos enfants que cette période où les écrans sont si utiles pour travailler, se distraire et supporter le confinement se terminera un jour et qu’il faudra alors reprendre une consommation raisonnée de ces écrans bien addictifs et qui perturbent le développement psychique des enfants en les maintenant artificiellement dans l’utilisation des outils psychiques primaires (toute puissance infantile = je veux tout, tout de suite, tout le temps) et en les pénalisant dans le développement des outils psychiques secondarisés (capacité d’inhiber une action inappropriée, tolérance à la frustration, capacité d’analyse de sa propre contribution aux situations (non, ce n’est pas toujours la faute des autres…) etc. Mais tout cela et tant d’autres choses sur ce sujet de prévention qui me tient tellement à cœur, nous en reparlerons plus tard… Faites comme vous pouvez pour que ce confinement ne vire pas à l’enfer domestique…

Pour terminer positivement, sachez que toute situation de crise donne lieu à une croissance psychique personnelle, quel que soit notre âge : contraints de nous mobiliser pour faire face à l’adversité, nous nous découvrons des ressources intérieures insoupçonnées ! Le collectif à distance est en train de s’inventer, appuyons nous sur lui ! Il nous faudra continuer à inventer un nouvel avenir après la crise.

Les plus vulnérables psychiquement, du fait d’une situation personnelle déjà difficile avant la crise sanitaire, ne doivent pas hésiter à se faire accompagner afin de ne pas cumuler les souffrances psychiques sans parvenir à renouveler les ressources pour les affronter.

A tous, courage et encore du courage ! Nous y arriverons tous ensemble !

Agnès Lelion – (Dame Psy-Psy au Pôle de Santé Ouest Cotentin, et néanmoins psychologue clinicienne et psychothérapeute)


Le site  maladiecoronavirus.fr référencé par le ministère de la Santé, permet à ceux qui pensent être contaminés de faire une évaluation anonyme et gratuite :

24 questions sur les symptômes (fièvre, toux, gêne respiratoire, courbatures...) mais aussi sur les antécédents médicaux, l’âge. Ce n'est pas du diagnostic, mais une évaluation.

Grâce à un algorithme développé et mis à jour avec les dernières connaissances scientifiques disponibles, en collaboration avec des médecins spécialistes et l'Institut Pasteur, le site vous conseille alors soit de rester simplement confiné chez vous, de consulter votre médecin traitant ou encore d'appeler le 15.


Le 116 - 117 est le numéro pour joindre un médecin généraliste de garde aux heures de fermeture des cabinets médicaux. En cas d’urgence vitale, il faut continuer de composer le 15.

En cas de doute ou de question sur votre état de santé, le médecin du 116 - 117 vous conseille et vous oriente :

- tous les soirs après 20h jusqu’au lendemain 8h,

- les week-ends,

- et les jours fériés.

En journée durant la semaine, le 116-117 n’est pas accessible puisqu’il n’a pas vocation à se substituer aux consultations assurées par votre médecin traitant.

1 Pour les curieux, (et c’est une qualité !), un excellent site pour se cultiver : https://lecerveau.mcgill.ca/

2 Se gratter le nez (ou ailleurs), taper dans un ballon, errer sur le net, faire des confitures, etc.

3 A la relecture, bref n’est pas le terme totalement adéquat…

4 (Sauf si on vous met un gnon ! Lol !) Bin quoi, on a bien le droit de rigoler un peu, non ?

5 « Etre bien dans sa peau » signifie plutôt que notre psychisme se sent bien à l’aise !

6 Le « tiercé gagnant » du renouvellement de l’énergie psychique est la combinaison de :

  1. La lumière du jour (même sous nuée ou sous la pluie, heureusement pour les grenouilles normandes !)

  2. L’oxygène du plein air

  3. L’effort physique, même peu intense (la marche convient parfaitement)

Et cela pendant 30 mn chaque jour : pas recommandé en période de confinement !!! Mais vous pouvez faire de l’exercice physique devant votre fenêtre ouverte, respirer largement plusieurs fois par jour sur le balcon, la terrasse ou devant la fenêtre : votre psychisme vous le rendra !

7 A chacun son bouc émissaire ! C’est une constatation de la psychologie des groupes : depuis toujours on fait sa fête à une catégorie dénoncée comme responsable de tous les maux : lisez René Girard ! Et à l’heure de la haine exacerbée par l’outil numérique, ça peut être extrêmement délétère…

8 Tatie Danielle est une désopilante comédie française écrite et réalisée par Étienne Chatiliez, sortie en 1990. A voir et revoir sans modération par les temps qui courent !!!

9 Prenons cependant garde à ne pas dépasser le raisonnable dans ce besoin de partage festif…

10 Référons nous sans modération au sage Henri Salvador, avec sa chanson « Faut rigoler, faut rigoler pour pas que le ciel nous tomber sur la tête ! »

11 (Plus facile à dire qu’à faire, je sais… de tout cœur avec vous et avec ma plaquette de chocolat !)